LE CONTEXTE HISTORIQUE

Les traversées des Pyrénées (Source : LARTILLEUX H. (1958), Géographie des chemins de fer français, tome 1 - volume 1, éd. Chaix)

Les traversées des Pyrénées (Source : LARTILLEUX H. (1958), Géographie des chemins de fer français, tome 1 – volume 1, éd. Chaix)

Pendant longtemps, la France et l’Espagne n’ont été reliées que par leurs deux lignes situées à chaque extrémité des Pyrénées : celle de la côte méditerranéenne, reliant Cerbère à Port-Bou (ligne Narbonne – Port Bou mise en service en 1878) et celle de la côte atlantique reliant Hendaye à Irun (ligne Bordeaux – Irun mise en service en 1864). Encore aujourd’hui, ces deux lignes sont celles qui absorbent la majorité du trafic transpyrénéen par comparaison avec les autres lignes transpyrénéennes.

Déjà en 1865, l’idée de créer des lignes transpyrénéennes plus centrales était au cœur des débats.

Une Commission mixte franco-espagnole avait d’ailleurs été créée pour entreprendre les études : 12 possibilités de traversée furent examinées entre 1865 et 1904. Ce n’est qu’en 1904 et après de multiples tergiversations qu’une convention, signée entre le Ministre français des Affaires étrangères et l’Ambassadeur d’Espagne à Paris, fixa définitivement 3 tracés : par le col du Somport (à l’ouest), par le port du Salau et par le Puymorens (à l’est). Ces trois tracés sont respectivement désignés comme itinéraire occidental, itinéraire central et itinéraire oriental. La ligne de Cerdagne, à écartement métrique, sera aussi incluse dans cet historique. La carte ci-dessus illustre ces différents tracés.

TRANSPYRÉNÉEN OCCIDENTAL


Cette liaison franco-espagnole par le col du Somport était envisagée depuis 1853. Elle était destinée à relier Pau à Saragosse, en passant par Oloron et Bedous (côté français), par la gare internationale de Canfranc (en Espagne), puis par Jaca et Huesca (côté espagnol).

Sa construction débuta en 1908 avec le percement de la pièce maîtresse de la ligne qu’est le tunnel international du Somport. Les deux équipes de forage, française et espagnole, se rejoignirent quatre ans après, en 1912, créant ainsi les 7875m de tunnel. Cependant, bien que les travaux de la gare internationale et de la section Pau-Canfranc se soient poursuivis pendant la première guerre mondiale, l’avancement de ces derniers fut sensiblement ralenti. Les travaux du côté espagnol étaient réalisés en parallèle. Les années 1926 et 1927 étaient respectivement dédiées au ballastage des voies et à leur électrification.

Le premier train traversa les Pyrénées en juillet 1928. Après 20 années de travaux, le transpyrénéen était en service.

Les éléments caractéristiques de la ligne restent ses rampes importantes (ligne sans crémaillère présentant les rampes les plus importantes de l’époque) et son tunnel hélicoïdal au niveau d’Urdos, construit entre 1917 et 1918. La gare internationale de Canfranc est elle aussi importante, tant par ses dimensions que par son aspect esthétique. Elle est une des rares gares existantes à comporter deux écartements de rails : 1,435m pour les français et 1,668m pour les espagnols.

Entre 1928 et 1970, la ligne traversa deux guerres importantes, la Guerre Civile espagnole de 1936 et la Seconde Guerre mondiale. Durant la Guerre Civile espagnole, de nombreuses perturbations surviennent et le tunnel international est muré de 1936 à 1940. En revanche, la ligne est utilisée par les allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et des sabotages de la part des résistants créèrent toutefois des perturbations. Entre 1945 et 1948, les franquistes murent le tunnel, interrompant ainsi le trafic international.

L’évènement le plus important reste l’accident du 27 mars 1970 qui survint sur la ligne du côté français, près de Lescun. Un train stoppe sur une rampe de 35mm à cause d’un manque d’adhérence dû au gel et il est alors placé en freinage rhéostatique. Une défaillance de l’alimentation électrique prive alors le convoi de freinage et ce dernier commence à dévaler la pente. Il est arrêté lorsque l’un des wagons vient frapper le pont métallique de l’Estanguet, entrainant ce dernier dans sa chute jusque dans la rivière. Par chance, il n’y eut aucune victime. La section située entre Canfranc et le pont de l’Estanguet (vers Bedous) ne sera alors plus jamais utilisée.

Aujourd’hui, côté français, seule la section Pau – Bedous est encore exploitée. Cependant, l’exploitation de cette dernière est passée de la traction électrique à la traction thermique en 2008. La section Pau – Oloron a été entièrement rénovée pendant le second semestre 2010 pour un budget de 30 millions d’euros. La rénovation de la section Oloron-Bedous a été achevée en juin 2016.

Dans la partie espagnole, le trafic est aujourd’hui maintenu jusqu’à Canfranc: deux trajets journaliers sont proposés aux voyageurs. Des installations spécifiques ont été créées à Canfranc pour pouvoir charger les wagons de marchandises (partant vers l’Espagne) depuis les camions arrivant du côté français. La section SaragosseHuesca a été rénovée et l’écartement standard UIC a été mis en place. En 2007, la nouvelle ligne de contournement de Huesca, longue de 10.2 km et permettant de supprimer six passages à niveaux, est mise en service. La section Santa Maria et la Peña – Anzanigo a été rénovée en 2004 et la section Caldearenas – Jaca entre 2007 et 2010. Une autre option de tracé, plus directe, entre Huesca et Caldearenas est aujourd’hui à l’étude.

Depuis plus de 40 ans, du fait de l’absence de lien ferroviaire transfrontalier actif entre Oloron et Canfranc, plus aucun trafic transfrontalier n’anime la liaison internationale, malgré les nombreuses pressions de multiples acteurs en faveur de sa réouverture.

TRANSPYRÉNÉEN CENTRAL


Cet itinéraire n’a jamais été terminé, ni côté français ni côté espagnol. Il était prévu que ce tracé passe par Foix – Saint-Girons – Oust pour la partie française, puis par Sort – Tremp – Lérida pour la partie espagnole.

La section française Foix – Saint-Girons, à voie unique et normale, longue de 47 km, est mise en service en 1903 (1902 pour la section Foix – Labastide-de-Sérou et 1903 pour le reste). Après la Première Guerre mondiale, les travaux pour la partie Saint-Girons – Oust sont prévus. Cependant, au début des années 1930, les jonctions pyrénéennes occidentale et orientale déjà en service et la crise économique ne militent pas en faveur de ce tracé central. Le Conseil National Economique décide donc en 1933 de reporter les travaux qui ne seront finalement jamais terminés, la Guerre Civile espagnole et la Seconde uerre mondiale les ayant plongés dans l’oubli. A noter qu’une voie ferrée de 16 km destinée au tramway entre Oust et Aulus les Bains est mise en service entre 1914 et 1933 avec une interruption de 1915 à 1922. Cette voie n’entre cependant pas dans le cadre de l’itinéraire prévu qui devait rejoindre Salau.

CÔTÉ FRANÇAIS, la seule section qui aura donc supporté une utilisation commerciale aura été la ligne Foix – Saint-Girons qui sera fermée à la circulation en 1955. Cette ligne est aujourd’hui en train d’être réaménagée en voie verte (voie pour cyclotouristes et randonneurs).

CÔTÉ ESPAGNOL, le tracé prévu était Lérida – Balaguer – Tremp – La Pobla de Segur – Sort puis Salau. Pour les mêmes raisons que celles évoquées pour le côté français, l’itinéraire ne sera réalisé que jusqu’à La Pobla de Segur. La section Lérida – Balaguer est inaugurée en 1924 et celle entre Balaguer et Tremp en 1950. La ligne arrivera à La Pobla de Segur le 13 novembre 1951. Aujourd’hui, trois trains par jour desservent La Pobla depuis Lérida.

Contrairement à la liaison occidentale Pau – Huesca, cette liaison centrale n’a jamais pu accueillir un trafic transpyrénéen car sa construction n’a jamais été achevée et les deux parties n’ont jamais été reliées.

TRANSPYRÉNÉEN ORIENTAL


Cette ligne, située plus à l’est comme son nom l’indique, doit relier les deux métropoles que sont Toulouse et Barcelone. Plus précisément, elle doit traverser Foix, Ax-les-Thermes, Latour-de-Carol et Puigcerdá.

CÔTÉ FRANÇAIS, nous distinguons quatre sections caractéristiques :

  • La section Toulouse – Foix: 82 km, déclivités maximales de 7mm. Les travaux de cette section furent réalisés rapidement et la ligne fut inaugurée le 7 avril 1862.
  • La section Foix – Ax-les-Thermes: 41 km, déclivités maximales de 25mm. Le relief accidenté de cette section ralentit grandement les travaux qui dureront plus de 26 ans, jusqu’à l’inauguration de la ligne le 22 avril 1888.
  • La section Ax-les-Thermes – Porté-Puymorens (point culminant de la ligne) : 27 km permettant de passer de 701 mètres à 1562 mètres d’altitude. Cette section comporte deux ouvrages d’art majeurs, qui sont le tunnel hélicoïdal de Saillens, long de 1752 m et le tunnel du Puymorens long de 5400 m débouchant peu après Porté-Puymorens et permettant de franchir le faîte de la ligne. Après une dizaine d’années d’arrêt des travaux, la construction de cette section fut grandement accélérée par la convention franco-espagnole de 1904 qui fixa les trois tracés transpyrénéens (cf. page 3). La déclaration d’utilité publique est signée en 1907. Les travaux de cette section se poursuivront jusqu’au 22 juillet 1929, date correspondant à l’ouverture de cette liaison transpyrénéenne. En effet, la section suivante (Tunnel du Puymorens – Latour-de-Carol – Puigcerdá) fut ouverte un an auparavant, le 5 juin 1928.
  • La section Tunnel du Puymorens – Latour-de-Carol – Puigcerdá : 20 km, section intégralement en pente, avec des déclivités de 40mm.

La gare de Latour-de-Carol, en plus d’être une gare internationale, a la particularité de posséder trois écartements : standard, métrique de la ligne de Cerdagne (voir page suivante) et large de la RENFE. De plus, elle possède trois tensions d’alimentation : 750 V par 3ème rail, 1500V à courant continu et le courant espagnol 3000V à courant continu.

CÔTÉ ESPAGNOL, la ligne est en fait constituée de deux lignes qui se sont rejointes en une seule :

  • La première est la ligne Barcelone – Vic – Ripoll – Sant-Joan de les Abadesses. Dans un premier temps, cette ligne a été créée dans le but de transporter le charbon depuis les Pyrénées jusqu’à Barcelone. En approche de Barcelone, elle emprunte la section Granollers – Barcelone de la ligne Port Bou – Barcelone. La section Granollers – Vic fut mise en service en 1876 et la section Vic – Ripoll – Sant-Joan de les Abadesses en 1880.
  • La seconde ligne est la ligne Puigcerdá – Ripoll. En effet, s’inscrivant dans la période des études transpyrénéennes (fin du 19ème siècle), la construction de cette ligne jusqu’à Ripoll souleva la possibilité d’y relier une ligne transpyrénéenne. La ligne a été mise en service en 1919 entre Ripoll et Ribes, en 1922 entre Ribes et Puigcerdá, et en 1929 entre Puigcerdá et Latour-de-Carol. Cette section entre Ripoll et Puigcerdá constitue une partie de haute montagne qui n’est autre qu’une succession d’ouvrages d’art, dont le tunnel hélicoïdal de Toses de 3.8 km. Elle s’élève rapidement jusqu’à Ribas de Freser (altitude 906m), San Cristobal de Toses (altitude 1408m), puis poursuit dans le tunnel hélicoïdal de Toses avant d’arriver à La Molina (altitude 1421m) et à Urtx (altitude 1182m) pour finir à Puigcerdá.

Cependant, cette ligne espagnole ne s’avéra pas aussi productive qu’on l’attendait. Par conséquent, plusieurs sections furent fermées peu à peu. En 1980, c’est la section Ripoll – Sant-Joan de les Abadesses (ne faisant pas partie de la ligne transpyrénéenne) qui se vit fermée au trafic et qui est actuellement reconvertie en voie verte.

Il est bon de noter qu’en 1984, la ligne de Puigcerdá fut désignée comme partie intégrante du programme du gouvernement espagnol prévoyant la fermeture de plus de 913 km de ligne à écartement ibérique. Finalement, ce programme n’affecta pas la ligne. Cependant, la section Granollers centre – Franqueses del Vallès fut fermée au trafic voyageurs et est aujourd’hui intégralement dédiée au trafic fret.

Aujourd’hui, bien qu’il soit indispensable de transférer les voyageurs ou les marchandises d’un train à un autre en gare internationale de Latour-de-Carol ou en gare de Puigcerdá (dû à la différence d’écartement), ce transpyrénéen oriental est la seule ligne traversant réellement la chaîne de montagne

LIGNE VILLEFRANCHE-VERNET-LES-BAINS À LATOUR-DE-CAROL (ou Ligne de Cerdagne)


Cette ligne de l’est pyrénéen avait pour but premier de relier les hauts plateaux d’altitude avec le reste des Pyrénées Orientales et notamment avec la ville de Perpignan. Avant la construction de cette ligne fut construite la ligne Perpignan – Villefranche en 1885.

La ligne Villefranche – Vernet-les-bains à Latour de Carol, longue de 62 km, s’est construite en deux phases. La première section relia Villefranche à Bourg-Madame. Les travaux de cette section commencent en 1904 et sont achevés en 1909 mais l’accident d’un train effectuant les tests de charge retarda la mise en service de deux ans. L’exploitation commerciale commença le 28 juin 1911. Les rampes de cette section atteignent 60mm.

La deuxième section relie Bourg-Madame à Latour-de-Carol, dans le but de permettre une correspondance de Latour-de-Carol à Perpignan. Cette section de 6 kilomètres fut achevée en 1927.

Cette ligne de Cerdagne présente des caractéristiques particulières. En effet, elle est électrifiée et alimentée par un troisième rail en courant continu 850V. De plus, son écartement n’est pas l’écartement normal de 1,435 m mais l’écartement métrique.